The Grand Chamber of the Court of Justice delivered on Tuesday (18 May 2021) an important decision on the Rule of Law in Romania (joint cases C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19). The judgment is currently available only in a selection of EU official languages, and it is not available in English either. Here is the French version (to check whether an English translation has finally been made available, just click on the link below and change the language version):

« 1) La décision 2006/928/CE de la Commission, du 13 décembre 2006, établissant un mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption, ainsi que les rapports établis par la Commission européenne sur la base de cette décision constituent des actes pris par une institution de l’Union, susceptibles d’être interprétés par la Cour au titre de l’article 267 TFUE.

2) Les articles 2, 37 et 38 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne, lus en combinaison avec les articles 2 et 49 TUE, doivent être interprétés en ce sens que la décision 2006/928 relève, en ce qui concerne sa nature juridique, son contenu et ses effets dans le temps, du champ d’application du traité entre les États membres de l’Union européenne et la République de Bulgarie et la Roumanie, relatif à l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne. Cette décision est, aussi longtemps qu’elle n’a pas été abrogée, obligatoire dans tous ses éléments pour la Roumanie. Les objectifs de référence qui figurent à son annexe visent à assurer le respect, par cet État membre, de la valeur de l’État de droit énoncée à l’article 2 TUE et revêtent un caractère contraignant pour ledit État membre, en ce sens que ce dernier est tenu de prendre les mesures appropriées aux fins de la réalisation de ces objectifs, en tenant dûment compte, au titre du principe de coopération loyale énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, des rapports établis par la Commission sur la base de ladite décision, en particulier des recommandations formulées dans lesdits rapports.

3) Les réglementations régissant l’organisation de la justice en Roumanie, telles que celles relatives à la nomination ad interim aux postes de direction de l’Inspection judiciaire et à l’institution d’une section du ministère public chargée des enquêtes sur les infractions commises au sein du système judiciaire, relèvent du champ d’application de la décision 2006/928, de sorte qu’elles doivent respecter les exigences découlant du droit de l’Union et, en particulier, de la valeur de l’État de droit énoncée à l’article 2 TUE.

4) L’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ainsi que la décision 2006/928 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale adoptée par le gouvernement d’un État membre, qui permet à ce dernier de procéder à des nominations intérimaires aux postes de direction de l’organe judiciaire chargé de mener des enquêtes disciplinaires et d’exercer l’action disciplinaire à l’encontre des juges et des procureurs, sans que soit respectée la procédure de nomination ordinaire prévue par le droit national, lorsque cette réglementation est de nature à faire naître des doutes légitimes quant à l’utilisation des prérogatives et des fonctions de cet organe comme instrument de pression sur l’activité de ces juges et procureurs ou de contrôle politique de cette activité.

5) L’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ainsi que la décision 2006/928 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale prévoyant la création d’une section spécialisée du ministère public disposant d’une compétence exclusive pour mener des enquêtes sur les infractions commises par les juges et les procureurs, sans que la création d’une telle section

–        soit justifiée par des impératifs objectifs et vérifiables tirés de la bonne administration de la justice et

–        soit assortie de garanties spécifiques permettant, d’une part, d’écarter tout risque que cette section soit utilisée comme un instrument de contrôle politique de l’activité de ces juges et procureurs susceptible de porter atteinte à leur indépendance et, d’autre part, d’assurer que cette compétence puisse être exercée à l’égard de ces derniers dans le plein respect des exigences découlant des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

6) L’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale régissant la responsabilité patrimoniale de l’État et la responsabilité personnelle des juges au titre des dommages causés par une erreur judiciaire, qui définit la notion d’« erreur judiciaire » en des termes généraux et abstraits. En revanche, ces mêmes dispositions doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une telle réglementation lorsqu’elle prévoit que le constat de l’existence d’une erreur judiciaire, effectué dans le cadre de la procédure visant à la mise en cause de la responsabilité patrimoniale de l’État et sans que le juge concerné ait été entendu, s’impose dans le cadre de la procédure subséquente liée à une action récursoire visant à la mise en cause de la responsabilité personnelle de celui-ci et lorsqu’elle ne comporte pas, d’une manière générale, les garanties nécessaires pour éviter qu’une telle action récursoire soit utilisée comme instrument de pression sur l’activité juridictionnelle et pour assurer le respect des droits de la défense du juge concerné afin que se trouve écarté tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité des juges à l’égard d’éléments extérieurs susceptibles d’orienter leurs décisions et exclue une absence d’apparence d’indépendance ou d’impartialité de ces juges de nature à porter atteinte à la confiance que la justice doit inspirer à ces mêmes justiciables dans une société démocratique et un État de droit.

7) Le principe de primauté du droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation de rang constitutionnel d’un État membre, telle qu’interprétée par la juridiction constitutionnelle de celui-ci, selon laquelle une juridiction de rang inférieur n’est pas autorisée à laisser inappliquée, de sa propre autorité, une disposition nationale relevant du champ d’application de la décision 2006/928, qu’elle considère, à la lumière d’un arrêt de la Cour, comme étant contraire à cette décision ou à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ».

Source : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=241381&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=5098836